lundi 8 février 2010

La philo pour les nuls, suite

Quand il faut y aller... si je ne le fais pas maintenant, je sens que ce ne sera jamais.

Donc suite à de récentes discussions avec ma douce, je me lance. En gros l'objet du débat c'était "y at-il oui ou non bordel une vie après la mort" et "que faut-il en déduire pour le temps qu'on va passer sur Terre". L'idée de Gene, si j'ai bien compris, c'est que s'il y a une vie après la mort, il vaut mieux effectivement se comporter "bien" pour ne pas trop se faire engueuler une fois confronté avec ce qu'on a fait ici bas, et d'un autre côté s'il n'y a rien, on n'aura jamais de comptes à rendre à qui que ce soit, alors pourquoi on s'emm--- à payer nos impôts, être polis les uns avec les autres et surtout, pourquoi on ne va pas buter les mecs qui nous grillent la priorité dans les rond-points avec un petit sourire dans le genre "et qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?".

OK, on essaie de ne pas s'emballer. N'étant pas, comme ma chère et tendre, capable de réfléchir par moi-même, je me suis toujours enfermé dans la logique scientifique et dans le cadre méthodologique bien pratique qu'elle nous impose. La méthode y'a que ça de vrai, évitons de faire des faux-pas. Bref, si je comprends bien, il y a une opposition pluri-millénaire entre ceux qui pensent que nous sommes munis d'une "âme" immortelle qui soit nous survit, soit se réincarne, j'en passe et des meilleures, et ceux qui constatent avec consternation que personne n'est jamais revenu de "l'autre monde" pour nous dire à quel point c'est cool ou pas après la mort. Bref un peu, comme en physique, le problème de la dualité onde/particule des photons qui sont, suivant leur humeur et surtout suivant ce qu'on regarde, soit des boulets de canon soit des ondes, avec tout le tralala mathématique qui va avec dans chacun des cas. Et ce qu'on constate en physique, c'est qu'on arrive souvent à la même conclusion en utilisant des théories différentes, ou des approches différentes, lorsqu'un problème peut être abordé par des angles différents et à priori contradictoires. Essayons dans le cas précis de la "vie après la mort".

Premier point de vue: celui de la biologie. Nous ne sommes que des animaux. Nous ne sommes que des corps, formés d'assemblages plus ou moins complexes de molécules. La conscience n'est que le résultat d'un agencement particulier de nos cerveaux, lesquels sont formés de cellules nerveuses qui transmettent des impulsions électriques, relayées par des médiateurs chimiques, bla bla bla on connaît la suite: lorsque le cerveau s'arrête, les impulsions électriques s'arrêtent aussi, la conscience s'arrête, et il n'y a pas de vie après la mort. D'où l'opposition vie/mort. Ben oui, s'il y avait une vie après la mort, alors dans ce cas pourquoi parler de mort... parfait, mais dans ce cas pourquoi ces religions et ces croyances persistantes depuis des millénaires qu'on sera sauvé si on travaille bien et qu'on donne beaucoup de sous à ceux qui viennent nous les prendre ? Et bien la réponse est dans la question: les religions ont bien entendu été inventées par certains petits malins qui, promettant la vie éternelle à leurs moutons, en profitent pour améliorer matériellement la qualité du temps qu'ils passent de leur vivant.

Second point de vue: celui de la spiritualité. Nous sommes des êtres supérieurs, exceptionnels, et à ce titre nous méritons de continuer à vivre après la mort de nos corps physiques. Nos consciences perdurent, éternellement. Après votre mort (physique) vous serez jugé en fonction des actions que vous aurez mené durant votre vie matérielle, donc attention, essayez de vous améliorer en permanence, soyez meilleurs les uns avec les autres, et bla bla bla on connaît la suite là aussi: heureux les pauvres et les crétins car les portes du ciel leur sont grandes ouvertes, croissez et multipliez-vous, mais surtout ne réfléchissez pas trop hein, on le fait à votre place.

En tant qu'observateur extérieur je trouve les choses assez amusantes, une fois présentées de cette façon. Je ne peux m'empêcher d'être d'accord avec le point de vue biologique. Et dans ce cas se pose effectivement la question: pourquoi est-on gentil et serviable, pourquoi travaille t-on toute notre vie pour finir dans la misère tandis que les grands patrons récoltent en un mois ce que nous gagnerions en 200 ans, alors qu'ils ont un niveau d'études et de compétences bien inférieur ? Plus je me pose la question et plus j'ai envie d'aller braquer des mémés dans la rue, effectivement.

Je laisse tomber tout le développement logique qui pourrait découler de cet argumentaire, à ce point là: en tant qu'animaux sociaux nous avons besoins de règles, comme dans toute communauté animale il y a des dominants et beaucoup de dominés, les moyens de domination passent dans notre cas par un endoctrinement moral et religieux, etc etc. Le résultat est toujours là, implacable: pas de "vie après la mort". Nada, rien, quechi. De toute façon il n'y a même pas besoin d'y penser ne serait-ce qu'une seconde; est-ce qu'un lapin se pose se genre de questions existentielle ? Non, le lapin pense généralement à un truc: comment faire pour ne pas me faire bouffer aujourd'hui. Et accessoirement, comment transmettre mes gènes. Il n'y a que des animaux dotés d'une conscience pour se demander comment ils vont mourir, si ça se passera bien, s'il y a quelque chose après, ce qu'on va penser d'eux, etc. Et on oublie que ces questions sont sans fondement, puisqu'une fois la conscience arrêtée... et bien on n'a pas conscience d'être mort. Il y a donc seulement un avant, et pas un après. Avec éventuellement, pour les malchanceux, une lente dégradation dans les derniers temps, mais qui va là encore dans le sens d'une perte progressive de conscience.

Bon allez, j'arrête ma mauvais foi, et je propose ma théorie pour tenter de réconcilier les deux aspects du problème: oui on n'est que des animaux dans un monde matériel, mais et si... ce monde n'était qu'une illusion ? Un peu comme une simulation informatique (un jeu vidéo quoi) évoluée. Si j'étais le Grand Programmeur, je ne m'embêterais d'ailleurs pas à simuler un monde complexe qui évolue, un univers matériel complet... non, si j'étais le Grand Programmeur, je me dirais qu'il est infiniment plus simple de ne simuler que les consciences ! Les interactions entre ces consciences (par l'intermédiaire de la "scène" du monde physique) en découleraient de façon naturelle. Dans cette théorie, le cerveau ne serait que le support matériel permettant à la conscience de s'exprimer. Mais pour le coup, le problème est très simplifié: la conscience est la seule chose qui existe. Bon évidemment, ça n'élimine pas la question de savoir si, après le temps de simulation de cette conscience, celle-ci (ou ses résultats) doit être effacée ou sauvegardée dans une case du programme, pour être ensuite décortiquée, analysée, réutilisée...

Qu'est-ce qui peut bien m'amener à cette théorie, me direz-vous, mis à part le fait que je suis un grand malade ? Tout simplement le fait qu'on ne peut pas prouver que le monde matériel existe vraiment. Quant on essaie de regarder les choses en détail en physique, voilà ce qu'on obtient: du côté de l'infiniment grand, on est tout de suite amenés à la théorie du Big Bang à partir duquel le temps est créé avec tout le reste... les notions d'infini et de "limite de l'univers" n'ont pas de sens et doivent être reformulées dans le cadre de théories plus globales, comme la relativité. Du côté de l'infiniment petit, on essaie depuis longtemps de remonter aux constituants élémentaires de la matière... et lorsqu'on brise un atome, on s'embrouille tout de suite avec les maths, les particules élémentaires n'étant plus discernables des fonctions mathématiques intriquées par lesquelles on les représente, porteuses d'une grandeur appelée énergie, qui semble finalement être la seule chose de tangible dans cette histoire ! On n'est pas beaucoup plus renseignés de ce côté là sur la nature de l'univers ou de la matière qui le compose.

Alors oui on peut voir, toucher, sentir, faire pipi, etc mais si ce n'étaient que les informations d'entrée/sortie d'un module appelé "conscience", qui prendrait un certain nombre de paramètres ? Du fait même de l'existence de notre conscience, on ne peut pas savoir si le monde existe réellement, et surtout s'il continuerait à exister s'il n'y avait plus aucune conscience pour en faire état. Le pire c'est que je n'arrive pas à imaginer une seule expérience (de pensée, nécessairement) permettant de vérifier cette hypothèse. Voilà, je suis bien avancé, maintenant que j'ai dit tout ça. Enfin si, dans tous les cas, voilà la conclusion: arrête de t'angoisser, et vis pendant que tu le peux, avant qu'il ne soit trop tard pour le faire (je m'adresse à ma conscience là, bien sûr).

Allez, la prochaine fois j'aborderai un sujet moins angoissant, promis.

4 commentaires:

  1. Mon Descartes des temps modernes !

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  2. Heu... ce que tu veux dire, c'est que Descartes a déjà dit tout ça avant, mais bien mieux que moi ? Je ne sais pas pourquoi, ça ne m'étonne pas plus que ça, je suis toujours un peu en retard sur tout le monde. M'étonnerait quand même qu'il ait fait une analogie avec une simulation numérique.

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  3. Pas mal l'analogie!! On peut aussi la faire dans le sens où le monde extérieur et tout ce qui s'en suit ne serait produit que par la conscience. Le cerveau qui même au repos à besoin de créer des nouvelles sensations dans les rêves. Dans le moindre rêve on arrive très bien à "émuler" d'autres personnages. Or dans un rêve il n'y a normalement qu'une seule conscience, la notre!

    J'ai entendu Peter Jackson qui parlait de son dernier film Lovely Bones qui parle d'une jeune fille assassinée et bloquée entre vie et mort. Interrogé sur le sujet de savoir s'il y a ou non quelque chose après la mort il a utilisé une image physique surprenante. Son argument étant de dire que ce que tu appelle la conscience représente une certaine quantité d'énergie or l'énergie ne peut être détruite (il s'y connait le Peter!) mais seulement transformée... On peut donc se demander en quoi cette énergie se transforme lors de la mort...

    Sinon en philo je crois qu'on peut distinguer une âme éternelle (t va de - l'infini à + l'infini) ou immortelle (t appartient à t0; +l'infini). Déjà que la question de la fin n'est pas évidente mais qu'en est il du début????

    Damien P.

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  4. Salut Damien, merci une nouvelle fois pour le commentaire !
    Oui l'origine des temps... je me suis souvent posé la question suivante: si on applique la relativité générale, la matière ou l'énergie courbent l'espace-temps. En pratique, lorsqu'il s'écoule une durée de une seconde dans un espace-temps "plat", il s'écoule bien moins que ça à proximité immédiate d'un trou noir, par exemple. Si on le prend par l'autre bout, lorsqu'une seconde s'est écoulée pour un observateur placé dans un champ de gravité intense, il s'est écoulé bien plus de temps loin de là.

    Il existe donc des zones de l'univers, à proximité d'objets très massifs, où le temps s'écoule bien moins vite que dans d'autres coins où l'espace-temps est plat. Appliqué au big-bang, cette logique doit conduire au fait que sont très vite apparues des zones où le temps reste figé par-rapport à d'autres où la distorsion est faible. Je me demande où on peut aller avec tout ça... tandis que pour notre coin d'espace se sont écoulé 13 milliards d'années, y a t-il encore une zone où les conditions sont celles du big-bang ? Ou alors je m'embrouille complètement ?

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