C'est la rentrée, avec tout son cortège d'enthousiasme (exemple: je passe mon HDR dans les deux ans, yay ! <- ça c'est le truc à la mode dans les séries américaines, à prononcer yai-ye avec l'accent de chez nous), de bonnes résolutions (ex: cette année j'arrête le sport, ou du moins je vais me limiter) et plus généralement, une montée d'énergie positive (non non, je n'ai pas tourné new-age).
Dans un moment de rare lucidité, j'ai soudain constaté qu'Elvan (OK, j'arrête de l'appeler "Tornade", après tout il est assez calme maintenant) avait grandi. Est-ce parce qu'il est entré en CE1 ou qu'il a fêté ses 7 ans ? Ou parce que même avec la selle et le guidon de son vélo remontés au maximum, il se prenait les genoux dans le menton à chaque tour de pédalier ? Tout ça pour dire que je me suis rendu compte que mon petit avait besoin d'un nouveau vélo. Mélangez ce besoin avec la vague de pensées positives (décidément...) générée par la rentrée, ni une ni deux, je lui annonce (à Elvan) que je vais lui acheter un nouveau vélo. Et là c'est la crise.
L'annonce a donc eu lieu mercredi dernier. Immédiatement -- pas deux heures plus tard, pas dix minutes plus tard, non, là tout de suite -- j'ai eu droit à la litanie "quand est-ce qu'on va le chercher ?", "tu m'avais promis un nouveau vélo, tu n'es qu'un père indigne" et autres "raaah j'ai mal aux jambes à force de mouliner sur ce vélo minuscule, quand est-ce que tu m'achètes mon nouveau vélo que tu m'avais PROMIS !?" tout ça avec les petites larmes et couinements qui vont bien avec son statut de victime. Je n'ai pas cédé, mercredi j'étais crevé et je devais amener mon scooter en révision le lendemain seulement, j'ai donc tenu bon et nous ne sommes allés voir les vélos (que vend mon réparateur de scooters) que le lendemain.
Le jeudi donc, nous arrivons au magasin, et immédiatement on repère un joli Gitane 20 pouces avec 6 vitesses, entièrement réglable en fixations rapides, de bons freins, changement de vitesses par poignée avec affichage de la vitesse en cours, une selle confortable, système qui rend le déraillage impossible, etc. A son âge, j'aurais volontiers tué pour un vélo comme ça. Le gentil vendeur de vélos / réparateur de scooters nous confirme que c'est bien le modèle qu'il nous faut, d'autant que c'est le seul qu'il a. Il l'avait reçu pas une heure avant, il n'y a plus qu'à finir de le monter et le régler. Et là c'est le drame.
Car oui, l'enfant de 7 ans n'est pas patient. Il fallait une bonne heure pour préparer la machine. Il était déjà 18h, il fallait une heure pour rentrer et manger, ensuite laver tout le monde, un petit manga et au lit pour pouvoir aller à l'école le lendemain. Je décrète donc que nous viendrons chercher le vélo seulement le vendredi soir après l'école, pas besoin de se stresser pour nous le monter dans l'heure qui vient. En plus il n'aurait pas pu en profiter le soir même, de son vélo (voir plus haut la nécessité de manger, se laver et aller au lit). N'était-il pas plus cohérent de ne prendre livraison de la machine que pour le début du week-end ? En plus 24h d'attente, honnêtement, c'est pas la mort. A titre de comparaison, quand j'ai acheté mon scooter, j'ai du attendre un mois que les dernières pièces n'arrivent pour achever l'assemblage, encore un mois et demie pour l'immatriculer (ouais c'est pas rapide par chez nous), ajoutez à ça 1000 km de rodage à 50 km/h avant de pouvoir vraiment tourner à fond la poignée des gaz.
Mais rien n'a pu le consoler. Elvan a immédiatement fait la tronche de quelqu'un qui serait en train de se faire arracher le coeur, les yeux et les dents sans anesthésie. Il a retenu ses larmes tant qu'il était au magasin, mais une fois dehors, les digues on lâché. Et impossible de l'arrêter de pleurer de toute la soirée. Je l'imagine le lendemain à l'école raconter à ses copains: "trop dur la vie, mon père m'a acheté un nouveau vélo, mais je ne l'aurai que ce soir, le salaud il m'avait promis un vélo et je ne l'ai pas eu non mais vous vous rendez compte les mecs, les parents c'est que des menteurs et des méchants." Heureusement tout se termine bien, il a eu son vélo le vendredi soir et il a pu passer quelques heures à s'entraîner au changement de vitesses -- je me demande combien de temps va tenir le dérailleur à se rythme là, bref.
Tout ça pour arriver à l'interrogation métaphysique qui fait office de titre à ce billet: à quel stade de notre développement la notion de patience apparaît-elle ?